Les deux sondes Mariner 8 et
Mariner 9 devaient, nous l'avons vu dans le paragraphe précédent,
effectuer des missions complémentaires. L'échec du lancement de
Mariner 8 força les ingénieurs à revoir leurs plans. Un seul
vaisseau était disponible, et il allait devoir remplir les
objectifs initialement dévolus aux deux sondes, la cartographie de
la surface martienne et l'étude des changements temporels de la
surface et de l'atmosphère.
La cartographie allait être
possible dans les mêmes conditions que dans la mission initiale (en
particulier au niveau résolution), à l'exception cependant des
photographies des régions polaires qui ne pourront pas être aussi
précises. La partie consacrée aux changements saisonniers
fut également remaniée, et l'étude de six régions fixes tous les
cinq jours laissa la place dans le nouveau programme à une étude
de régions moins étendues tous les 17 jours.
Une description détaillée de la
sonde est disponible dans la section concernant Mariner
8, les deux sondes étant identiques en tout point.
La mission
Le lancement de Mariner 9 se déroule
sans incident le 30 mai 1971, au grand soulagement des responsables
de la mission, déjà échaudé par la perte de Mariner 8 et la
charge de travail accrue qui a suivi. La reprogrammation de
l'orbiteur restant n'avait effectivement rien d'une sinécure. 13
minutes après le décollage, la sonde se sépare de l'étage supérieur,
déploie ses panneaux solaires, localise le soleil avec son capteur
solaire et l'étoile Canopus avec son capteur stellaire. Une manœuvre
de correction de trajectoire aura lieu à mi-chemin le 5 juin 1971.
Le 31 octobre, l'engin se met à tournoyer sur lui-même, peut être
à cause du choc d'une petite météorite. L'incident sera sans
gravité. Mariner 9 arrivera donc sur Mars après un voyage plutôt
tranquille d'une durée de 167 jours le 14 novembre 1971.
La veille de l'arrivée de
Mariner 9 sur Mars, une table ronde est organisée au Jet Propulsion
Laboratory, à Pasadena. Sont invités entres autres Ray Bradury,
Arthur C. Clarke et Carl Sagan. Au cours de la discussion, chaque
personne fait part de ses préjugés, de ses fantasmes et de ce
qu'elle espère découvrir par l'intermédiaire des instruments
impartiaux de Mariner 9. Certaines opinions émises au cours du débat
se révéleront par la suite étonnamment prophétiques.
La mise en orbite
Pour la mise en orbite, Mariner 9
allume son moteur de manœuvre pendant 15 minutes et 23 secondes, de
manière à ralentir suffisamment pour se laisser capturer par la
gravité martienne. L'insertion orbitale est un succès et pour la
première fois dans l'histoire de l'exploration spatiale, une sonde
va se placer en orbite autour d'une autre planète. Les américains
viennent de gagner la course qu'ils avaient engagé contre les soviétiques.
Ces derniers réussiront également la mise en orbite de leurs
sondes Mars
2 et Mars
3, mais perdront le prestige de la première insertion orbitale.
Mariner 9 va parcourir son orbite
initiale en 12 heures et 34 minutes, en passant à 1398 km de la
surface martienne au niveau du périapse. L'apoapse est à 17 816 km
et l'orbite est inclinée d'environ 64,3°. Deux jours plus tard, le
moteur est de nouveau mis à feu pendant six petites secondes pour
altérer légèrement les paramètres orbitaux et synchroniser les révolutions
avec la rotation terrestre. Le périapse de la nouvelle orbite
descend à 1387 km et la période de révolution passe juste en
dessous des 12 heures, la sonde effectuant donc 2 révolutions par
jour.
La première des deux révolutions
permet à la sonde d'acquérir des données, alors que la révolution
restante est mise à profit pour les transmettre vers la Terre. A
chaque fois que la sonde accompli sa deuxième tournée journalière,
la rotation de la Terre a amené l'antenne de 64 mètres de la
station de poursuite du Deep Space Network (DSN) de Goldstone en vue
de la planète Mars. Ainsi, lorsque la sonde transmet ses
informations, l'antenne du DSN est en position pour les recevoir.
Une autre manœuvre de correction sera effectuée le 30 décembre au
cours de la 94ème orbite pour élever le périapse à
1650 km et modifier la période orbitale de manière à améliorer
encore les conditions de travail.
Le 10 novembre, alors qu'il ne
reste plus à la sonde qu'une distance de 800 000 kilomètres à
parcourir, la caméra se met en marche. La salle de contrôle de
mission se remplit et tout le monde attend avec une impatience non
dissimulée les premières images de la planète. La déception va
être énorme.
Lorsque les images parviennent
enfin au centre de contrôle, elles ne montrent rien d'autre qu'un
globe gris uniforme, terne, sur lequel ne se détache que les glaces
brillantes de la calotte polaire sud et quatre points noirs mystérieux
plantés au niveau de l'équateur. La mise en orbite ne changera
rien à la situation.
C'est la consternation. La sonde
a parcouru des centaines de millions de kilomètres, s'est placée
correctement en orbite autour de Mars, tout cela pour rien. La planète
rouge, devant cette agression caractérisée et l'arrogance de cette
sonde qui croit pouvoir percer ses mystères, à décider de réagir.
La planète entière est recouverte d'un épais manteau de poussière,
qui ne laisse rien voir des détails de sa surface. Un gigantesque
tempête de poussière de dimensions planétaires, qui compte encore
aujourd'hui parmi les plus puissantes jamais observées s'était levé.
Recouvrant la surface d'un voile impénétrable, elle rendait la caméra
de Mariner 9 totalement aveugle. Notons ici que pour certains
illuminés, la tempête n'avait rien d'accidentelle, et qu'une telle
coïncidence ne pouvait signifier qu'une seule chose. Les martiens
n'avaient aucun envie de voir leur intimité troublée et ils le
faisaient savoir !
Toujours est-il que la sonde ne
cessait de renvoyer la même image, celle d'une planète plongée
dans une sorte de brouillard, et qui ne montrait rien d'autre qu'une
surface blafarde, dont la monotonie n'était troublée que par la présence
des quatre points noirs. Les scientifiques commencent à réfléchir
à leur signification. Si ces points noirs sont visibles, c'est
qu'ils doivent posséder une hauteur suffisante pour percer l'épaisse
couche de crasse grisâtre, une hauteur qui ne doit rien avoir de négligeable.
La perspective est excitante.
Quelques personnes au Jet
Propulsion Laboratory n'étaient cependant pas de cet avis. Leur
patience avait des limites et les premières images de Mariner 9
constituait la goutte qui fait déborder le vase. Non seulement la
mission avait déjà du être remanié suite à la perte de Mariner
8, mais voila qu'il allait encore falloir changer les plans à cause
d'une foutue tempête de poussière qui avait eu la très mauvaise
idée de se lever pour l'arrivée de la sonde ! Il semblait clair
que l'unique rescapé de 1971 n'avait plus beaucoup de chance de
remplir les objectifs qui lui avaient été assignés.
On vous l'avait bien dit !
Nous avions pourtant les moyens
de prévoir cet évènement inattendu. Pour les astronomes qui
observaient la planète Mars depuis des décennies, la période de
l'arrivée de Mariner 9 était propice à l'apparition de tempêtes
de poussière.
Effectivement, sur Terre,
certains observateurs comme Charles F. Cappen ou Audouin Dollfus à
Meudon avaient commencé à relever les signes avant-coureurs de ce
qui allait arriver. Dans un article écrit en février 1971, Cappen
rappelle que les nuages jaunes (les nuages de poussière tels qu'ils
étaient nommés à cette époque), s'ils peuvent être observés en
toutes saisons, se développent préférentiellement aux alentours
des oppositions périhéliques.
Pendant cette période, c'est le
début du printemps dans l'hémisphère sud et le pôle sud est
pointé vers le soleil. Comme Mars est à son périhélie (c'est à
dire à sa distance minimale par rapport à notre soleil), le pôle
sud reçoit une plus grande quantité d'énergie de sa part que le pôle
nord à la même saison. Le printemps dans l'hémisphère sud est
effectivement plus chaud que le printemps dans l'hémisphère nord.
Les contrastes de températures qui existent alors entre la calotte
polaire glacée et les terrains alentours en cours de dégel donnent
naissance à des vents violents. Ceux ci commencent à incorporer
dans l'atmosphère des particules très fines de poussière, que
l'on trouve partout à la surface de la planète. La présence de
poussière dans l'atmosphère va accroître d'autant plus le déséquilibre
thermique. Les vents redoublent de puissance et finissent par
accoucher d'une tempête de poussière. Si ces tempêtes se développent
le plus souvent au niveau local ou régional, elles atteignent
parfois le stade planétaire. Ce sera le cas en 1971.
Mais Cappen était allé encore
plus loin et il avait carrément prédit à l'avance la situation à
laquelle allait être confronté Mariner 9. Il note dans son article
que si un nuage jaune brillant vient à apparaître au-dessus de la
région d'Hellespontus (comme cela avait été le cas en 1956), il
pourrait s'étendre à la totalité de la planète et interférer
avec la mission dévolue à la sonde spatiale Mariner 9. Le 21
septembre, six mois après l'opposition et comme pour lui donner
raison, une petite tache jaunâtre prend naissance au-dessus d'Hellespontus,
dans la région de Noachis. Jour après jour, le nuage poussiéreux
grossi pour finalement englober la totalité de la planète.
La grande tempête de poussière
qui a surpris les responsables de la mission Mariner 9 avait donc été
prévue puis observée par les astronomes. N'ayant pas été associé
au programme Mariner, ces derniers ont fait remarquer à juste titre
qu'une pareille situation aurait pu être évité s'il avait été
écouté avec d'avantage de sérieux...
La patience de Mariner 9
Malheureusement, ce ne fut pas le
cas, et voici notre sonde Mariner 9 en orbite autour d'une planète
en furie. Pour la sonde, il n'y avait pas grand chose à faire, à
part attendre. Heureusement, Mariner 9 était entièrement
programmable, et les caméras inutiles pouvaient être
temporairement coupées pour augmenter leur durée de vie ou pointées
vers d'autres objets plus intéressants. Sur une idée de Carl
Sagan, et en attendant l'apaisement de la tempête, Mariner 9 se
reporta sur Phobos et Deimos. Alors que personne (à l'exception du
célèbre astronome et de quelques autres) n'avait manifesté le
moindre intérêt pour les deux satellites martiens lors de la
conception de la mission, ceux ci commencèrent soudain à en intéresser
plus d'un !
On reconnaît aujourd'hui
volontiers que le succès de Mariner a surtout découlé de ses
capacités d'adaptations. Mariner 9 avait de la compagnie en orbite,
et deux orbiteurs soviétiques, Mars
2 et Mars
3, l'avaient rejoint. Mais les engins soviétiques étaient
prisonniers de leur programmation. Si la tempête de poussière de
1971 n'a été qu'un petit désagrément pour Mariner 9, elle a
condamné à la plus parfaite inutilité la mission de Mars 2 et de
Mars 3.
D'autres instruments furent pointés
vers la couverture poussière qui enveloppait Mars. Après tout, ce
n'était pas tous les jours qu'une sonde pouvait assister à un
pareil déchaînement atmosphérique, et il aurait été dommage de
ne pas étudier la tempête elle-même, aussi désagréable
soit-elle pour la mission. Mariner 9 se met donc à collecter des
informations sur la vitesse des vents, la finesse des particules de
poussières et l'épaisseur des nuages.
La tempête de poussière commença
à décliner au cours du mois de novembre et du mois de décembre.
La tourmente cessa véritablement le 1er janvier 1972. Au
mois de mars 1972, l'atmosphère était redevenue parfaitement
claire. Au fur et à mesure que les vents diminuaient d'intensité
et que la poussière sédimentait vers la surface, les points noirs
se dégageaient petit à petit de leur enveloppe de coton et laissèrent
bientôt apparaître un spectacle incroyable. Ces points noirs, qui
avaient du empêché plus d'un scientifique de dormir tranquille, se
métamorphosaient en volcans boucliers géants. Des édifices d'une
hauteur incroyable, dont le sommet culmine à plus de 20 kilomètres
! Des volcans tellement imposants que leur caldeira est parvenue à
pointer au-dessus de la tempête planétaire ! Mais cette découverte,
aussi spectaculaire soit-elle, ne sera qu'un hors-d'œuvre. Mars a
bien d'autres surprises à exhiber devant les instruments de Mariner
9.
La nouvelle Mars
Contrairement à ce que laissait
présager le crash de Mariner 8 et l'accueil désagréable que
Mariner 9 reçu en arrivant à destination, la mission sera un succès
éclatant et tous les objectifs seront accomplis. S'il fallait résumer
en une seule phrase l'apport de Mariner 9, on pourrait dire que
cette sonde nous a montré, pour la première fois, la planète Mars
telle qu'elle est réellement.
Les résultats ramenés par cette
unique sonde sont véritablement étourdissants. Les planétologues
furent submergés par la masse des informations recueillies (la
sonde ramena 27 fois plus de données que la somme de toutes celles
accumulées par les autres sondes martiennes réunies). La révolution
apportée par Mariner 9 dans notre compréhension de la planète est
bien résumée par les découvertes réalisées grâce aux caméras.
Mariner 9 a ainsi découvert le volcan géant Olympus
Mons, le dôme de Tharsis
et ses trois volcans boucliers, l'immense canyon de Valles
Marineris (nommé ainsi en l'honneur de la sonde), la structure
des calottes
polaires, les dépôts
stratifiés, l'activité éolienne de surface (dépôts et érosion),
l'intense activité tectonique de surface (failles, ravins,
fractures de la croûte), les différents types de cratères
d 'impact et la célèbre dichotomie
martienne avec les hauts plateaux cratérisés de l'hémisphère
nord et les basses plaines de l'hémisphère nord.
La découverte la plus importante
de Mariner 9 reste sans doute la mise en évidence des réseaux
de vallées et des chenaux
d'inondations. Ces structures, qui ressemblaient à s'y méprendre
à des lits de rivières asséchées, prouvaient que la planète
Mars n'avait pas toujours été gelée et aride et qu'à une époque
lointaine, le climat devait être suffisamment chaud et l'atmosphère
suffisamment dense pour permettre à l'eau liquide d'exister à sa
surface. Une nouvelle fois, Mars allait réveiller une obsession
millénaire. Les photos de Mariner 4 semblaient avoir définitivement
enterré l'idée de trouver de la vie sur Mars. Mais voila que
Mariner 9 nous montrait des traces d'une érosion fluviale à la
surface de la planète rouge. Difficile alors dans ces conditions de
ne pas repenser à une éventuelle vie martienne. Pour répondre à
cette question qui ne cesse de les hanter, les américains lanceront
les sondes Viking. Personne ne s'en souvient aujourd'hui, mais ces
sondes doivent une part de leurs extraordinaires résultats à
quelques photos prises par un vaisseau spatial, sur lequel on ne
portait que bien peu d'espoir.
En tout, Mariner 9 a collecté
7329 images. Celles de la caméra à grand angle couvrent la totalité
de la planète, sans exception. Celles de la caméra à angle étroit
ne montrent que certaines régions, mais avec une résolution de 100
mètres par pixels, soit une amélioration de la précision d'un
facteur dix par rapport aux images de Mariner 4.
Au niveau météorologie,
les découvertes sont également légions. Sans compter bien sur l'étude
des tempêtes de poussière (globales et locales), Mariner 9 nous a
montré des fronts nuageux, des nuages de glace, des nappes de
brouillard dans certaines vallées au petit matin, les nuages
d'ondes. Elle a aussi effectué des mesures de la composition, de la
densité, de la pression et de la température atmosphérique.
Le radiomètre infrarouge a
permis la mesure de l'inertie thermique de la majorité de la
surface martienne, ce qui permet d'obtenir des informations sur la
taille des particules qui la constitue. Le radiomètre a profité
avec avantage de la tempête de poussière pour observer le réchauffement
du sol martien. Pendant la tempête, les particules de poussière
empêchèrent les rayons du soleil d'atteindre la surface de Mars,
qui se refroidissait. Quand l'écran poussiéreux se mis à disparaître,
les rayons du soleil pouvaient de nouveau frapper les terrains
martiens, qui se réchauffaient rapidement. Le taux de réchauffement
mesuré par le radiomètre infrarouge a prouvé que le sol martien
était un très mauvais conducteur de la chaleur et que son inertie
thermique est très basse. Aucune corrélation avec les fameuses
taches d'albédo (claires et sombres) qui apparaissent dans un télescope
ou une lunette n'a été mise en évidence. Aucune région n'a montré
des anomalies thermiques et aucun point chaud (qui aurait pu
indiquer une éventuelle activité volcanique) n'a été découvert
par le radiomètre. La surface des deux lunes martiennes a également
été étudiée, et l'on s'est rendu compte qu'elle constituait elle
aussi un conducteur thermique médiocre.
De son côté, le spectromètre
infrarouge a obtenu plus de 20 000 spectres et a permis la détection
de dioxyde de carbone, de vapeur d'eau, de grains de poussière dans
l'atmosphère, ainsi que de cristaux de glace d'eau au sein des
nuages. La pression atmosphérique de surface a été déterminée
au-dessus de nombreuses régions, et les valeurs s'étalaient entre
1,5 mbars et 8 mbars. L'instrument a également montré que la
vapeur d'eau existait dans l'atmosphère martienne, mais dans des
quantités très faibles. La hauteur d'eau précipitable pendant la
tempête de poussière était d'environ 10 microns (à l'exception
du pôle nord). Cette valeur a augmenté pour atteindre 20 à 50
microns pendant le printemps et l'été de l'hémisphère boréal
(sans doute à cause de la fonte de la calotte saisonnière nord).
La température de l'atmosphère, depuis la surface jusqu'à une
altitude correspondant à une pression de 0,1 mbar, a été mesurée,
et de larges variations diurnes ont été observées, au moins
jusqu'à 30 km d'altitude. Toujours d'après les mesures du spectromètre,
la poussière en suspension dans l'atmosphère est constituée pour
environ 60 % de silicates (oxydes de silicium) et la composition de
la surface est similaire à l'échelle de la planète.
Le spectromètre ultraviolet a également
obtenu de nombreuses mesures de la pression atmosphérique, ce qui a
permis par la suite d'obtenir les altitudes de nombreuses
formations. On s'est ainsi rendu compte que la profondeur de Valles
Marineris avoisinait les 6 km et que le volcan Olympus Mons s'élevait
à plus de 26 kilomètres au-dessus des plaines environnantes.
L'ozone atmosphérique a été détecté et cartographié. Absent
dans les basses latitudes, sa présence au niveau des hautes
latitudes est saisonnière. Les différents types de nuages que l'on
avait recensé sur Mars (principalement grâce aux observations télescopiques)
ont été étudiés avec profit par le spectromètre ultraviolet
(nuages blancs, nuages jaunes et voiles bleus). Le cocon d'hydrogène
atomique de la haute atmosphère et de l'exosphère a aussi fait
l'objet d'une étude et sa densité a été corrélée avec
l'activité solaire. Enfin, un spectre dans l'ultraviolet de la
surface de Phobos a été obtenu.
Chaque passage de la sonde derrière
le disque martien était l'occasion d'observer la disparition du
signal radio émis par la sonde et plus de 300 occultations ont eu
lieu à l'issue de la mission. Le dépouillement des résultats a
constitué à lui seul un véritable petit challenge. Les
scientifiques vont connaître la pression atmosphérique qui règne
au-dessus de centaines de régions martiennes. Les valeurs s'étaleront
sur un intervalle important (de 2,8 mbars à 10,3 mbars) et l'on se
rendra compte que la planète rouge est loin d'être régulière.
Les mesures montreront que le gradient de température s'était
considérablement réduit pendant la tempête de poussière.
L'ionosphère ne sera pas oubliée et Mariner 9 mesurera le pic de
la densité électronique pendant la journée entre 134 et 140 km
d'altitude.
Mariner 9 a permis de déterminer
avec une grande précision les variations du champ de gravité
martien et de caractériser la forme cabossée du globe martien :
aplatissement aux pôles, bourrelet équatorial et bosse du dôme de
Tharsis. La description détaillée du champ de gravité a permis
d'augmenter d'un ordre de grandeur la précision des éphémérides
et, en corrélation avec des données radars obtenues depuis la
Terre, de calculer la hauteur de certains reliefs à 100 mètres près.
Mariner 9 a enfin eu le privilège
de réaliser les premières photographies des satellites Phobos et
Deimos, d'étudier leur taille, leur forme ainsi que la texture de
leur surface.
La sonde a terminé sa mission le
27 octobre 1972, à cause de l'épuisement du gaz utilisé par le
système de contrôle d'attitude. Comme il n'était plus possible de
contrôler l'orientation de la sonde, les responsables lui ordonnèrent
de se taire à jamais. La sonde aura travaillé pendant 349 jours,
une durée bien supérieure à ce qui était prévu initialement (90
jours).
Carl Sagan, dans son livre Cosmic
Connection, raconte à propos de la fin de Mariner 9 une
anecdote intéressante. Un an avant le lancement de la sonde,
certains ingénieurs s'étaient penchés sur le risque encouru par
l'épuisement du gaz utilisé par le système de contrôle
d'attitude (de l'azote) et avaient proposé de relier les réservoirs
d'ergols alimentant le moteur avec le système de contrôle
d'attitude. D'un coût apparemment trop élevé (30 000 dollars),
cette proposition a été rejetée. Personne n'imaginait alors que
la sonde allait vivre assez longtemps pour épuiser ses réserves
d'azote et qu'elle allait fonctionner correctement pendant un an,
alors que sa durée de vie théorique était de 90 jours ! La réalisation
du raccord aurait pourtant permis à Mariner 9 de travailler pendant
encore une année supplémentaire. Les 30 000 dollars auraient
permis de réaliser une économie finale de 150 millions de dollars.
Pour 30 000 dollars en
plus, on aurait gagné une sonde 150 millions de dollars de données
scientifiques ! Aujourd'hui, Mariner 9 décrit toujours sa ronde
autour de Mars, en s'en rapprochant inexorablement. L'orbite sur
laquelle Mariner 9 a été abandonné lui confère une durée de vie
de 50 ans. Un beau jour de l'année 2022, la sonde rentrera dans
l'atmosphère martienne et s'y désintégrera. Après avoir refusé
dans un premier temps de lui ouvrir ses portes, la planète rouge
accueillera Mariner 9 avec l'honneur du à son rang : celui d'une
sonde qui compte parmi les plus belles réussites de toute
l'histoire de l'exploration spatiale.
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Le
30 mai 1971, la sonde Mariner 9 s'élance fièrement vers la planète
Mars (Crédit photo : NASA/JPL).

La
sonde Mariner 9 devait travailler à l'origine en tandem avec
Mariner 8. Chaque sonde devait réaliser une étude complémentaire
de la planète rouge. Mariner 8 avait la tache de cartographier la
surface, alors que Mariner 9 devait au contraire se pencher sur les
changements saisonniers de la surface et de l'atmosphère. La perte
au lancement de la première obligea les ingénieurs à reprogrammer
la sonde restante pour une mission de synthèse. La petite sonde
allait parfaitement s'acquitter de son travail. Sur la photographie,
on distingue la structure prismatique métallique centrale qui
constitue le corps de la sonde, les quatre panneaux solaires disposés
en croix, l'antenne grand gain en vert, la tuyère du moteur en haut
et la plate-forme scientifique mobile en bas (Crédit photo : NASA/JPL).

Vue
d'artiste de la sonde américaine Mariner 9 (Crédit photo : droits
réservés).

Représentation
de l'orbite suivie par Mariner 9. Inclinée de 64,3°, elle sera
parcourue en 12 heures environ (Crédit photo : droits réservés).

Schéma
technique de l'orbiteur Mariner 9. Cliquez sur l'image pour
l'agrandir (Crédit photo : NASA/JPL).

Fermé
pour congé, réouverture l'année prochaine ! Voici, en gros, le
message que Mars a adressé aux caméras de Mariner 9, lorsque celle
ci est parvenue au terme de son voyage. L'un des plus importantes
tempêtes de poussière jamais observée s'était levé pendant le
voyage de Mariner 9 et avait pris une dimension planétaire. La planète
entière était voilée sous une épaisse couche poussiéreuse qui
ne laissait transpirer aucun détail de la surface, à part quatre
étranges points noirs qui paraissaient percer la couche opaque. Ces
points sont visibles sur cette image, obtenue 2 jours avant
l'insertion en orbite. Trois sont alignés sur une diagonale (au
centre en haut) et le quatrième est visible au niveau du limbe
gauche de la planète. Lorsque le voile de poussière retombera, les
scientifiques émerveillés verront apparaître ce qui se cachait
derrière ses taches bizarres : des volcans boucliers géants, dont
l'un n'est autre que le plus haut de tout le système solaire :
Olympus Mons (la tache isolée à gauche). Les trois autres taches
alignées sont les fameux volcans de Tharsis : de bas en haut, Arsia
mons, Pavonis Mons et Ascraeus Mons (Crédit photo : NASA/JPL).

Voici
la première image jamais prise du satellite martien Phobos par une
sonde spatiale. Mariner 9 a obtenu cette photographie au cours de sa
34ème orbite. Elle était alors à une distance de 5540
km du satellite. La sonde a eu largement le temps d'étudier les
deux lunes martiennes en attendant que la tempête de poussière
s'apaise. On distingue déjà sur ce premier cliché de nombreux
cratères d'impact, ainsi que la forme totalement irrégulière de
la lune, qui ressemble à une grosse patate (Crédit photo : NASA).

L'ombre
de la lune Phobos
observée par la sonde Mariner 9 au cours d'une éclipse partielle
(Crédit photo : NASA).

Mariner
9 est le premier engin construit par l'homme a s'être placé en
orbite autour d'une autre planète. Contrairement aux autres Mariner
qui ne pouvaient étudier Mars que le temps d'un survol, Mariner 9
allait pouvoir tranquillement observer Mars dans sa globalité
depuis son orbite. Les images de Mariner 9 avaient la taille de
petites vignettes que les scientifiques collaient les unes à côté
des autres sur une sphère possédant la bonne taille. Ainsi,
vignette après vignette, collage après collage, le visage de Mars
apparaissait peu à peu. On voit ici la région volcanique de
Tharsis telle qu'elle est apparue sous l'objectif de la caméra de
Mariner 9. Cette mosaïque est formée de l'assemblage de 22
vignettes qui laissent apparaître au centre l'énorme édifice d'Olympus
Mons
et en bas à droite les sommets de Pavonis Mons et d'Ascraeus Mons.
La comparaison avec l'image précédente est éloquente ! Les
photographies de Mariner 9 ont permis d'établir les premières
cartes topographies de Mars à différentes échelles : 5 et 25
millionièmes pour les cartes globales, 1 et 1/4 de millionième
pour les cartes régionales (Crédit photo : NASA/JPL).

Le
volcan géant Olympus Mons,
tel qu'il est apparu à la sonde américaine Mariner 9. Cet édifice
démesuré prouvait que l'histoire géologique martienne avait été
très intense et complexe, chose que l'on ignorait totalement (Crédit
photo : NASA/JPL).

Photographie
de la sonde Mariner 9 montrant le long tracé de Nirgal Vallis.
En 1965, les images obtenues par Mariner
4 avaient laissé penser que Mars ressemblait bien plus à la
Lune qu'à notre planète. Cette vision d'un astre stérile et désolé
sera en partie confirmée par les missions Mariner
6 et Mariner
7, même si ces deux engins avaient déjà découvert des
terrains qui n'avaient aucun équivalent lunaire. Lorsque les images
de Mariner 9 ont commencé à montrer des figures d'érosion évoquant
des vallées fluviales, les scientifiques ont compris que Mars était
une planète bien plus intéressante que prévue. Aujourd'hui aride
et desséchée, la surface martienne portait les traces d'une
intense activité fluviale, témoignage d'une période ou le climat
avait été plus chaud et plus humide. Brusquement, les
scientifiques se remirent à parler de la possibilité d'y trouver
des formes de vie ... (Crédit
photo : NASA/JPL).
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