histoire des fusées 

   de l'oiseau de bois aux fusées....

            .......de 400 avant Jésus- Christ  à   1958




Les lanceurs d'aujourd'hui sont un remarquable témoignage du génie humain qui trouve ses racines dans la science et la technologie du passé. Ils sont le produit de plusieurs centaines d'années d'expérimentation et de recherche sur les fusées et la propulsion par réaction.
L'un des tous premiers engins à utiliser les principes de base des fusées fut un oiseau en bois. Les écrits du romain Aulus Gellius raconte l'histoire d'un Grec nommé Archytas qui vivait dans la ville de Tarente, aujourd'hui dans le sud de l'Italie. Vers l'an 400 av.JC, Archytas stupéfia les habitants de Tarente avec un pigeon volant en bois. L'échappement de vapeur propulsait l'oiseau suspendu à un câble. Le pigeon utilisait donc le principe de l'action et de la réaction, qui ne devait pas être établi scientifiquement avant le XVIIe siècle.

Trois cents ans environ après le pigeon, un autre Grec, Hero d'Alexandrie, inventa un engin semblable à une fusée appelé Aeolipile. Il utilisait également la vapeur comme gaz propulsif. Hero avait monté une sphère sur une bouilloire. Le feu allumé sous la bouilloire transformait l'eau en vapeur, laquelle circulait alors dans des tuyaux jusqu'à la sphère. Deux tubes en L, diamètralement opposés permettait au gaz de s'échapper, donnant ainsi une poussée à la sphère se mettait alors en rotation.
Dater précisément l'apparition des premières vraies fusées est impossible. Des histoires de fusées ou d'engins similaires apparaissent sporadiquement dans les annales historiques de cultures diverses. Les premières fusées ont peut-être été le fait d'un accident. Dès le premier siècle de notre ère, les Chinois disposait d'une poudre explosive à base de salpètre, de souffre et de poussière de charbon. ils l'utilisaient essentiellement pour des feux d'artifices au cours de cérémonies religieuses. Pour produire des explosions pendant ces fêtes, ils remplissaient des tubes de bambou avec ce mélange et les jetaient dans le feu. Peut-être certains de ces bambous n'explosaient pas et, au lieu de ça, s'échappaient du foyer, propulsés par les gaz émis par la poudre enflammée.

Les Chinois commençèrent des expériences avec ces tubes remplis de poudre. Ils en vinrent à attacher ces tubes à des flèches qu'ils lançaient avec un arc. Bientôt, ils découvrirent que ces tubes de poudre pouvaient se propulser eux-mêmes grâce à la poussée produite par les gaz d'échappement. La fusée était née...

La première date à laquelle on rapporte l'usage de fusées est 1232. A cette époque, les Chinois et les Mongols étaient en guerre. Au cours de la bataille de Kai-Keng, les Chinois repoussèrent les envahisseurs mongols grâce à un barrage de" fléches de feu volant". Ces flèches de feu étaient une forme simpliste de fusées à carburant solide. Un tube, bouché à une extrémité, était rempli de poudre. L'autre extrémité était laissée libre et le tube était fixé à un long bâton. Lorsque la poudre s'enflammait, sa combustion rapide produisait des flammes, de la fumée et du gaz qui s'échappaient par l'extrémité ouverte et produisaient une poussée. Le bâton ne servait que de système de guidage, maintenant la fusée dans une seule direction pendant son vol. L'efficacité de ces flèches de feu en tant qu'engins de destruction n'est pas évidente, en revanche leur effet psychologique sur les Mongols dût être formidable.

A la suite de la bataille de Kai-Keng, les Mongols fabriquèrent leurs propres fusées et qu'ils diffusèrent bientôt en Europe. De nombreux récits décrivent des expérimentations sur les fusées du XIIIe au XVe siècle. En Angleterre, un moîne du nom de Roger Bacon travailla sur des poudres améliorées qui augmentèrent considérablement la portée des fusées. En France, Jean Froissart parvint à réaliser des tirs beaucoup plus précis en lançant les fusées à partir de tubes. L'idée de Froissart présageait l'invention du bazooka moderne. L'Italien Joanes de Fontana conçut une torpille de surface, propulsée par réaction, pour mettre à feu les bateaux ennemis.

Avec le XVIe siècle, l'usage des fusées comme arme de guerre connût un recul, bien qu'elles furent toujours employées pour les feux d'artifices. Ainsi, un artificier allemand appelé Johann Schmidlap conçut une "fusée en escalier", à plusieurs étages, qui permettait des feux d'artifices à des altitudes plus élevées.Une première fusée de grande taille (premier étage) emportait une fusée plus petite (deuxième étage). Lorsque la grande fusée s'était consummée, la petite continuait et gagnait une altitude plus élevée avant d'arroser le ciel de cendres luisantes. L'invention de Schmidlap est à la base de toutes les fusées destinées à gagner l'espace.

L'usage des fusées jusqu'à cette époque se limite donc à la guerre et aux feux d'artifices. Cependant, une légende intéressante rapporte l'usage de fusées comme moyen de transport. Avec l'aide de plusieurs assistants, un Chinois nommé Wan-Hu, fabriqua un fauteuil volant propulsé par des fusées. Deux cerfs-volants étaient fixés au fauteuil et sur les deux cerfs-volants, 47 flèches de feu. Le jour du vol, Wan-Hu s'installa dans le fauteuil et donna l'ordre d'allumer les fusées. Quarante-sept assistants, armés de torches, se precipitèrent alors pour mettre le feu aux flèches. On entendit alors un formidable grondement, qu'accompagnait un énorme nuage de fumée. Lorsque la fumée se dissipa, Wan-Hu et son fauteuil volant avaient disparu. Personne ne put dire exactement ce qu'il était advenu de Wan-Hu, mais si l'histoire est vraie, Wan-Hu et son fauteuil n'ont probablement pas survécu à l'explosion. Les flèches de feu pouvait tout aussi bien s'envoler qu'exploser.

Les fusées deviennent une science
A la fin du XXVIIe siècle, le grand savant anglais sir Isaac Newton (1642-1727) posa les fondements scientifiques de la fuséologie. Newton organisa les résultats de ses études du mouvement en trois lois. Ces lois expliquent comment fonctionnent les fusées et pourquoi elles sont capables de fonctionner dans le vide spatial.

Les lois de Newton ne tardèrent pas à influencer la conception des fusées. Vers 1720, un professeur hollandais, William Gravesande, construisit des modèles réduits de carioles propulsées par jets de vapeur. Des expérimentateurs en Allemagne et en Russie commencèrent à travailler sur des fusées de plus de 45 kg. Certaines de ces fusées étaient si puissantes que les flammes qui s'échappaient de leur extrémité creusaient des cratères profonds dans le sol avant même le décollage.

A la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, les fusées connurent un nouvel usage comme arme de guerre. Le succès des barrages de roquettes indiens contre les Britanniques en 1792 et de nouveau en 1799, éveillèrent l'attention d'un expert en artillerie, le colonel William Congreve, qui entreprit de fabriquer des fusées pour l'armée britannique. Les fusées de Congreve furent très efficaces sur les champs de bataille. Utilisées par les navires britanniques pour pilonner Fort McHenry au cours de la guerre de 1812, elles inspirèrent au poète Francis Scott Key "l'éclat rougeâtre des fusées" dans le poème qui devait devenir the Star-Spangled Banner, l'hymne américain.

Cependant, en dépit des travaux de Congreve, la précision des fusées ne s'était guère améliorée depuis leurs débuts. L'effet dévasteur des fusées de guerre tenait davantage à leur nombre qu'à leur précision ou à leur puissance. Au cours d'un siège, des milliers pouvaient être tirées sur l'ennemi. Partout dans le monde, on cherchait des moyens d'améliorer la précision. L'Anglais William Hale développa une technique appelée "stabilisation par rotation". Dans cette méthode, une partie des gaz d'échappements passait par des petites vanes situées à la base de la fusée, mettant la fusée en rotation à la manière des balles. De nombreuses fusées utilisent encore aujourd'hui une variante de cette technique.

L'âge des fusées modernes
En 1898, un instituteur russe, Constantin Tsiolkovski (1857-1935) suggéra d'explorer l'espace à l'aide de fusées. Dans un écrit publié en 1903, Tsiolkovsky suggéra l'utilisation de carburants liquides afin d'améliorer la portée des fusées. Tsiolkovsky montra que seule la vitesse d'échappement des gaz limitait la vitesse et la portée d'une fusée. Pour ses idées, la rigueur de ses recherches et son esprit visionnaire, Tsiolkovsky a été surnommé le "père de l'astronautique moderne".

Au début du XXe siècle, l'américain Robert H. Goddard (1882-1945) conduisit des expériences pratiques sur les fusées. Il s'intéressait au moyen d'atteindre des altitudes plus élevées que celles possibles avec des ballons plus légers que l'air. Il publia en 1919, un pamphlet intitulé "Méthode pour atteindre des altitudes extrêmes" dans lequel il était parvenu à plusieurs conclusions importantes pour les fusées. Par ses expériences, il montra qu'une fusée fonctionnait mieux dans le vide que dans l'air. A l'époque, la plupart des gens pensaient que la présence de l'air était nécessaire pour qu'une fusée puisse prendre appui dessus. Un éditorial du New York Times se moqua même de sa méconnaissance "des principes physiques de base enseignés tous les jours dans les écoles". Goddard affirma également que les fusées à plusieurs étages étaient le moyen d'atteindre des altitudes élevées et que la vitesse nécessaire pour échapper à l'attraction terrestre pouvait être obtenue de cette manière.

Goddard se tourna bientôt vers l'étude des carburant liquides et, en 1926, il réussit le premier tir d'une fusée à propergols liquides. Alimentée en essence et en oxygène liquide, la fusée ne vola que pendant deux secondes et demie, montant à 12,5 mètre et retombant à 56 mètres de son point de départ. Les recherches de Goddard se poursuivirent pendant des années. Ses fusées devinrent de plus en plus grosses et volèrent de plus en plus haut. Il développa un système de gyroscope pour contrôler la trajectoire et un compartiment de charge utile pour des instruments scientifiques. Un système de parachute permettait de récupérer fusée et instruments.

Troisième grand pionnier, l'Allemand Hermann Oberth (1894-1989), publia à son tour, en 1923, un ouvrage qui devait avoir une grande influence. A la suite de ses écrits, de nombreuses petites sociétés de fusées se créèrent à travers le monde. En Allemagne, la formation de la VfR (Verein fur Raumschiffahrt / Société pour les Voyages Spatiaux), conduisit au développement des fusées V-2 qui furent utilisées par les Allemands pour bombarder Londres pendant la Seconde guerre mondiale. En 1937, des ingénieurs et des scientifiques allemands, parmi lesquels Hermann Oberth, furent regroupés à Peenemünde, sur les bords de la mer Baltique. Là, sous la direction de Wernher von Braun, ils construisirent et testèrent en vol les fusées les plus modernes de l'époque.

La fusée V2 (appelée aussi A-4) était petite en comparaison des fusées d'aujourd'hui. Elle obtenait son impressionnante poussée en brûlant un mélange d'alcool et d'oxygène liquide à un rythme d'environ une tonne toutes les sept secondes. Une fois lancé, le V2 était une arme terrible qui pouvait dévaster un quartier tout entier d'une ville. Heureusement pour Londres et les forces alliées, le V2 survint trop tard dans le cours du conflit pour pouvoir en changer l'issue. Cependant, vers la fin de la guerre, les ingénieurs allemands avaient conçu les plans de missiles évolués capables d'atteindre les Etats-Unis, premières esquisses des futurs missiles ballistiques intercontinentaux.

Au moment de la chute de l'Allemagne, les Américains s'emparèrent d'un important stocks de V2 et de pièces détachées inutilisées. De nombreux ingénieurs allemands s'installèrent aux Etats-Unis. D'autres partirent pour l'Union Soviétique. Les deux grandes puissances réalisèrent alors le potentiel des fusées comme armes de guerre et entamèrent des programmes d'expérimentation. Les Etats-Unis se lancèrent d'abord dans un programme de fusées scientifiques de très haute altitude, selon les premières idées de Goddard, avant de développer toute une variété de missiles ballistiques intercontinentaux à moyenne et longue portées qui devaient marquer le point de départ du programme spatial américain. Les missiles Redstone, Atlas et Titan en ainsi viendront à envoyer des astronautes dans l'espace.

De leur côté, les Soviétiques menaient un programme parallèle de développement à partir des V2 récupérés en Allemagne. Et, le 4 octobre 1957, l'U.R.S.S. stupéfia le monde en lançant le tout premier satellite artificiel. Spoutnik-1 marque à tout jamais le début de la conquête spatiale et de la course à l'espace que se livrèrent les deux superpuissances.

Quelques mois plus tard, le 31 janvier 1958, les Etats-Unis lancèrent à leur tour leur premier satellite, Explorer-1. A la fin de l'année, le programme spatial américain s'organisait formellement avec la création de la NASA. Dès lors, l'aventure des vols habités était lancée...