HISTORIQUE DES LANCEURS :

    Si certes les chinois, au début du deuxième millénaire, ont inventé la fusée à poudre, nous n'allons pas donner une liste exhaustive de tous les types de fusées et de leur divers usages. Seuls seront mentionnés les lanceurs qui ont marqué l'esprit depuis 1950 et qui restent dans les mémoires.

    Deux grands hommes ont marqué de leur empreinte, le développement des fusées et des lanceurs, l'allemand Von Braun récupéré par les USA et le russe Korolev, père des véhicules spatiaux soviétiques.

    1°) LANCEURS ETRANGERS :

    Les techniques spatiales ont été, depuis 1950, l'apanage des deux grandes puissances USA et URSS, avec une concurrence acharnée, pour des raisons que tout le monde connaît. Curieusement durant 20 ans ce sont les russes qui ont été souvent les premiers. En matière de lanceurs notamment, les russes avaient choisi un type de lanceur qu'ils ont sans cesse fait évoluer, sans jamais prendre de risques innovateurs, possédant ainsi des lanceurs très fiables par rapport à ceux des US, beaucoup plus innovants. La littérature soviétique est plutôt avare d'informations, ainsi nous rappelons trois célèbres lanceurs américains :

     A) TITAN III C :

    Avec cette fusée, les américains mettent au point le concept de "Boosters". En effet, le premier étage à ergols liquides de 213 tonnes de poussée, est flanqué de 2 propulseurs d'appoint à poudre, développant chacun 545 tonnes de poussée.

     B ) SATURNE :

    C'est certainement le plus gros lanceur construit par l'homme. Composé de trois étages, sa masse avoisinait les 2720 tonnes sans la masse utile de 45 tonnes, destinée à une mission lunaire bien connue de tous.

    Saturne V pouvait envoyer 120 tonnes en orbite basse circumterrestre.

    ETAGE I : 2135 tonnes, une poussée 33450 kN ou encore 3400 tonnes, durée de combustion 150 s pour 2000 tonnes d'ergols et 5 moteurs.

    ETAGE II : 469 tonnes, une poussée de 4454 kN ou encore 454 tonnes, durée de combustion 37 s, pour 430 tonnes d'ergols et 5 moteurs

    ETAGE III : 116 tonnes, une poussée de 890 kN ou 91 tonnes, durée de combustion 360 s, un seul moteur

    B ) SHUTTLE : Premier concept de lanceur réutilisable.

    Dans les années 70, la National Aeronautics and Space Administration (NASA) met au point la navette pour servir de vaisseau spatial et de fusée réutilisable. Le 12 avril 1981, après 10 ans de travaux, la première navette Columbia est lancée. Voir site http://www.chez.com/dios/Espace/Shuttle.htm

    Actuellement quatre navettes sont utilisées Columbia, Discovery, depuis 1984, Atlantis, arrivée en 1985, et Endeavour, qui remplace en 91 Challenger, détruite en 1986.

     

     

    2°) LANCEURS FRANCAIS ET EUROPEENS:

    L'industrie spatiale française a réellement pris son essor avec le premier lanceur de 24 tonnes d'une lignée appelée DIAMANT , la version DIAMANT B satellisait 115 kg en orbite circulaire à 500 km. La base de tir était située à Hammaguir dans le Sahara, utilisée dans les années 70. Le premier tir, avec le satellite A1, fut réalisé le 26 novembre 1965

    Avec les lanceurs EUROPA I, II, III de 200 tonnes environ, I et II construits en coopération européenne ce fut un échec, la France innovait ensuite avec un deuxième étage entièrement cryogénique de 20 tonnes d'ergols ( hydrogène et oxygène liquides). Cette nouvelle technologie, peut être mal maîtrisée à l'époque a conduit à l'abandon du projet. Les connaissances acquises en propulsion cryotechnique, ne sont pas perdues pour autant.

    Le besoin d'indépendance nationale a amené la France a se lancer seule dans l'aventure spatiale, avec l'essai de réalisation du lanceur lourd L3S, précurseur du lanceur Ariane 1.

    Avec les études du L3S (version restée papier qui a débouché sur Ariane), le moteur cryogénique est mis au point et l'orbite GTO pourra être atteinte avec une charge de l'ordre de 1600 kg. Ses 3 étages se nommaient:

N°1--> L150 avec 140 tonnes d'ergols, (UDMH+N2O4) et une poussée sol de 241 tonnes, c'est le premier étage de la fusée Europa.

N°2 --> L30 emportant 30 tonnes des mêmes ergols que l'étage 1 et une poussée dans le vide de 70 tonnes

N°3 --> H6 avec 6 tonnes d'ergols cryogéniques (LH2+LO2) et 6 tonnes de poussée dans le vide

     Enfin arrive la filière ARIANE, dérivée immédiate du L3S qui n'a jamais volé.

     La France entraîne l'Europe dans l'aventure spatiale, sous la direction conjointe du CNES, maître d'œuvre du lanceur, et de l'ESA (Agence Spatiale Européenne) ,fin 1973.

    La société commerciale Arianespace est crée en Mars 1980.

    FILIERE ARIANE :

    Ariane 1 lanceur possède 3 étages (L140, L33, H8 ), avec 210 tonnes au décollage et une masse utile de 1800 kg en GTO.

    Ariane 2 est une version améliorée de son prédécesseur, avec un étage 3 plus important nommé H10, 220 tonnes au décollage et 2175 kg en GTO.

    Ariane 3 marque un pas décisif avec l'adjonction de deux propulseurs d'appoint à poudre (PAP), portant la masse à 240 tonnes et une performance de 2700 kg en GTO.

    Ariane 4 franchit encore un pas, avec l'allongement de l'étage 1 porté à 226 tonnes d'ergols, et l'adjonction possible de 4 propulseurs d'appoint, soit à poudre (PAP) soit à liquides (PAL) ou mixte ( 2 PAL+2 PAP.) Le lanceur se décline alors en version 40 de base, 42 P, 42 L, 44P, 44 LP, 44 L la plus puissante. Ce lanceur qualifié de versatile peut envoyer en GTO une charge entre 2100 kg et 4220 kg avec une masse maximale de 480 tonnes.

    Le lecteur intéressé par les détails, pourra se connecter sur le site : http://www.arianespace.com/francais

     3°) ARIANE 5 :

    La prochaine décennie est celle qui verra les succès du lanceur Ariane 5, en phase de mise au point, au moment où s'écrivent ces lignes. Les développements qui suivent lui sont consacrés.

    a) Naissance et grandes lignes du projet :

    La décision européenne a été prise en 1987 à La Haye, de construire un lanceur lourd nouveau, performant et apte au vol habité, versatile. La performance est de 6500 kg en lancement simple GTO, avec périgée à 580 km et 10000 kg en orbite héliosynchrone 800 km.

    Ce lanceur est prévu pour participer à la mise en place de la station orbitale internationale basse, puisque sa performance est de l'ordre de 18.5 tonnes.

    L'emport d'un véhicule spatial est prévu, y compris habité.

    Faisant concurrence aux lanceurs US, en transfert lunaire, Ariane enverra environ 4500 kg.

    La polyvalence du lanceur est assurée par une partie base commune à tous les lanceurs et une partie haute adaptable à la mission.

     b) Architecture du lanceur :

    Le dessin est une copie d'un document aérospatiale. Nous donnons les éléments et le maître d'œuvre du composant cité.

    La hauteur totale du lanceur varie de 45 à 55,4 m. La masse au décollage va de 745 à 750 tonnes. La poussée au décollage est 11360 kN.

     1 - Moteur Vulcain (SEP) :

     C'est le moteur de l'étage EPC ( Etage à Propulsion Cryotechnique)

    . 2 -Etage d'Accélération à Poudre ( Aérospatiale) :

     Ce sont les 2 EAP, propulseurs à propergols solides de masse 270 tonnes chacun, de poussée unitaire 640 tonnes, contenant 237 tonnes de poudre brûlant 130 s.

     3 -Etage à Propulsion Cryotechnique ( Aérospatiale) :

     C'est l'EPC de masse totale de 170 tonnes , avec 25 t de LO² et 130 t de LH², fonctionnant 570 s et une poussée de 100 tonnes.

     4 -Moteur à propergol solide ( Europropulsion) :

     5 -Case à équipements ( MMS) :Cerveau électronique du lanceur, avec ses centrales inertielles, le système de pilotage et de guidage, les calculateurs .....

     6 -Etage A propergols Stockables ( DASA) : Nommé EPS, avec un moteur AESTUS de masse 1150 kg, doté d'une poussée de 27.5 kN, contenant 9.7 tonnes d'ergols fonctionnant 1100 s. Son fonctionnement est extra atmosphérique. Il est réallumable et contribue à l'adaptabilité du lanceur.

     7 -SPELTRA ( Dornier) : Structure Porteuse Externe pour un Lancement multiple Ariane. Elle permet des lancements doubles de deux satellites.

     8 -Satellites Clusters du vol 501 :

    9 -Coiffe ( OERLIKON-CONTRAVES) : Constituée de deux demi coquilles, elle protège les satellites des agressions externes. D'un volume de 200 m3 elle a une masse de 1750 kg. Cette coiffe est larguée dès que la pression dynamique chute au dessous d'un certain seuil, le largage est assuré par un dispositif pyrotechnique.

    c) Schéma général de la mission :

     Nb : La récupération EAP à titre expérimental

    La trace lanceur stations de poursuite ( Kourou, Natal, Ascension, Hartebeesthoeck, Malindi ) sont visibles sur le dessin ci-dessus.

    http://212.180.3.157/arianespace/english/archives/v148-wm-high.htm si vous voulez visionner des séquences de lancement Ariane 4 ou Ariane 5

     II GENERALITES :

    1°) DENOMINATIONS :

    Le terme générique employé pour les véhicules spatiaux destiné au lancement de charges importantes, est LANCEUR, notamment pour les tirs d'applications civiles. Jusqu'en 1999, les tirs ont toujours été effectué à partir de bases terrestres, avec un lanceur érigé à la verticale. Mais en 99, les soviétiques ont réalisé le premier tir depuis une plate-forme en plein océan, située sur l'équateur, ce qui est excellent pour les tirs GTO.

    On parlera de MISSILE pour des engins militaires, la plate-forme de tir pouvant être fixe et terrestre ou mobile (sous-marin ...)

    Le terme FUSEE est souvent réservé à l'expérimentation, aux petits engins, et pour des applications civiles, notamment en météorologie avec les fusées-sondes.

    2°) MISSIONS ASSOCIEES :

     Mise en orbite d'un satellite : c'est la mission la plus courante, consistant à "injecter" une charge utile de quelques dizaines de kg à plusieurs dizaines de tonnes, en orbite autour d'une planète (satellite) ou du soleil (sonde spatiale). Les vitesses à l'injection sont comprises entre 8 et 16,5 km/s.

     Correction d'orbite : Lorsque la manœuvre nécessite un incrément de vitesse important de l'ordre du km/s, un moteur spécial est dédié à cette tâche. Par exemple :

    Un moteur d'apogée pour circulariser une orbite GTO et passer en géostationnaire

    Un moteur de périgée pour une insertion près d'une planète, comme Mars où l'homme ira un jour prochain.

    Un moteur pour "décrocher" d'une orbite circumterrestre pour une injection vers la lune ou une évasion interplanétaire.

    Dans ces cas le moteur est utilisé une seule fois, deux au maximum.

     Maintenance d'orbite : Le moteur est alors intégré au SCAO ( Système de Contrôle d'Attitude et d'Orbite), son rôle consistant périodiquement à rétablir, par un incrément de vitesse modéré de l'ordre du m/s à 50 m/s, les paramètres orbitaux nominaux qui dérivent sous l'effet des perturbations (par exemple la perturbation luni-solaire).

    De tels moteurs sont aussi utilisés dans des manœuvres de rendez-vous, demandant un grand nombre de très petites impulsions très précises durant le rapprochement de deux vaisseaux, avant arrimage.

     Freinage de déorbitation : Lorsqu'une capsule, en orbite autour d'une planète, souhaite "atterrir", un impulsion de freinage est nécessaire. On parle de déorbitation et l'incrément de vitesse est de l'ordre de la centaine de m/s, donc non négligeable. Une telle manœuvre était pratiquée couramment par les astronautes revenant de la station Mir dans les années 1990-2000. Elle sera obligatoire pour un posé sur Mars, d'une charge importante.

    Quand les américains sont revenus de la lune, un ultime freinage a été nécessaire avant l'entrée dans l'atmosphère terrestre, pour "caler" l'angle de rentrée à 6°.5. C'était le CSM (Command Service Module) qui assurait cette mission.

     "Atterrissage" en douceur sur un astre.: Il suffit de se souvenir de l'arrivée des premiers hommes sur le sol lunaire. La descente était freinée jusqu'au posé final, par un moteur fonctionnant en rétrofusée.

     Départ d'un astre : Ceci n'a été expérimenté en vol humain que sur la lune dont il fallait bien repartir pour revenir sur terre. Un moteur d'une partie du LM ( Lunar Module) était nécessaire

     Contrôle d'attitude : Tout véhicule spatial, séjournant longtemps dans l'espace, doit pour ses applications propres, être stabilisé autour de son centre d'inertie. On appelle ceci le Contrôle d'Attitude. Des moteurs (actuateurs) à très faible poussée, disposés en nombre pair et avec des poussées opposées (pour ne pas créer de résultante perturbant l'orbite), génèrent des couples de commandes, autour des 3 axes de roulis, lacet et tangage, pour maintenir une attitude programmée. Cette technique est extrêmement délicate et demanderait à elle seule, des développements qui sortent du cadre de ce cours.

     Fusée d'accélération : Tout étage à ergols liquides, sauf l'étage 1, est équipé de fusées en nombre pair, créant sur le lanceur, une résultante de poussée parallèle à son axe. Ce sont les fusées d'accélération, destinées à "plaquer" les ergols en fond de réservoir, pendant les phases interétages, en quasi apesanteur, afin d'éviter que les liquides ne "flottent" dans les réservoirs au risque d'empêcher l'amorçage des turbopompes.

     Fusée de séparation : Tout étage est muni de fusées, en nombre pair, destinées à éjecter vers l'arrière un étage éteint, opération appelée largage de l'étage.

     Réparation dans l'espace : Tel est le concept de la navette US qui réalise à la fois des satellisations et des récupérations de satellites à réparer.

    3°) ERGOLS-PROPERGOLS-POUDRES :

    Ces trois noms sont donnés aux composés chimiques dont la combustion dans la chambre de combustion permet l'éjection très rapide de gaz et la création d'une poussée.

    Ergols liquides : Les composants sont stockés dans des réservoirs séparés puis amenés par des turbopompes dans la chambre de combustion, mélangés et brûlés. Ces ergols sont dangereux à manipuler et ne peuvent rester longtemps dans les réservoirs, obligeant à des vidanges, lorsqu'un vol est retardé. Ils sont essentiellement utilisé pour les applications civiles.

    La possibilité de stopper l'arrivée de carburant, amène donc au concept de moteur réallumable.

    Exemples :

    Kérosène - oxygène liquides, ergols du premier étage de SATURNE V

    Hydrogène - Oxygène liquides ( LH2+LO2), qualifiés d'ergols cryogéniques, à très basse température, ce qui nécessite une isolation de l'étage sur le pas de tir et un dégazage périodique des réservoirs pour éviter les surpressions. Ce couple d'ergols est extrêmement performant.

    Les moteurs cryogéniques équipent toutes les versions du lanceur Ariane avec l'étage 3 des versions 1 à 4 et l'EPC du lanceur Ariane 5.

    Les USA avaient commencé à utiliser ces ergols sur la très puissante fusée Atlas-Centaur vecteur des sondes Voyager et Pionneer, et continuent sur les navettes actuelles. Par exemple la navette US (Shuttle) emporte dans son réservoir central, 100 t d'hydrogène et 600 t d'oxygène, pour alimenter ses moteurs cryotechniques.

    Diméthylhydrazine + Peroxyde d'azote, couple utilisé pendant des décennies par de nombreux lanceurs français ( Diamant, Europa, L3S, Ariane 1 à 4)

    Ergols solides :

    Utilisés par les militaires pour les missiles, le combustible solide ( pains de poudre plastique empilés) est stocké et brûlé dans le moteur même. Ces ergols sont stockables et facilement transportables, et donc pratiques pour des tirs non programmés.

    La combustion , une fois initiée, ne peu pas être arrêtée. C'est un fonctionnement en bombe. C'est le concept de moteur non réallumable.

    Ces moteurs sont couramment utilisé comme moteur d'apogée, servant à une circularisation d'orbite GTO.

    Le premier lanceur Diamant possédait un étage à poudre.

    Un inconvénient longtemps rencontré d'un moteur à poudre réside dans sa technologie de tuyère fixe, interdisant une stabilisation du lanceur par braquage de la tuyère. Une stabilisation gyroscopique résout le problème.

    La navette US possède 2 "boosters" à propergols solides de 500 t de poudre chacun.

    NOTE : Les propergols solides actuels sont constitués de caoutchoucs synthétiques mélangés au cours de la fabrication à un comburant tel le perchlorate d'ammonium. Les caoutchoucs sont de bons carburants avec l'avantage d'une certaine flexibilité, qui leur évite de se fissurer. Le mélange caoutchouc synthétique et perchlorate d'ammonium est encore amélioré par l'adjonction de poudre métallique d'aluminium par exemple.

    Ergols hybrides : Dans une fusée hybride, le carburant est souvent un matériau plastique solide, et le comburant oxygène ou quelquefois acide nitrique, liquide. Le système mixte associe les avantages des solides de manipulation plus aisée, et ceux des liquides avec la possibilité de moduler ou stopper la combustion,. L'utilisation des systèmes hybrides est ainsi bien adaptée à des systèmes de freinage ou de correction de vitesse.

    Ergols hypergoliques : c'est le qualificatif d'un couple d'ergols dont la combustion est initiée uniquement par la mise en contact des ces ergols, dans la chambre de combustion. C'est le cas LH²+LO².