jeudi 15 mai 2003, 19h30
Navette Columbia: la Nasa passe un mauvais quart d'heure au Congrès

 
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WASHINGTON (AFP) - Le chef de la commission d'enquête sur la catastrophe de la navette Columbia a dressé un sévère réquisitoire contre la Nasa, reprochant à l'agence spatiale américaine sa culture bureaucratique, sa complaisance en matière de sécurité et ses multiples erreurs de jugement.

Témoignant mercredi devant une commission du Sénat, l'amiral Harold Gehman a mis en exergue ce qu'il a estimé être de graves dysfonctionnements systémiques au sein de l'agence fédérale. "Le système n'a pas fonctionné dans ce cas particulier. Il y a eu des signaux manqués au décollage et il y a eu des signaux manqués au retour", a affirmé le président du Conseil d'enquête sur l'accident de Columbia (CAIB).

 

A ses côtés, le patron de la Nasa Sean O'Keefe, le visage tendu, n'en menait visiblement pas large. Soumis au feu roulant des critiques, il a promis que des sanctions seraient prises à l'encontre des responsables si des négligences et des fautes étaient avérées par le rapport final d'enquête, attendu pour l'été.

 

Selon les conclusions préliminaires du CAIB, la catastrophe a été probablement causée par des dégâts provoqués sur le bouclier thermique de Columbia par des débris de mousse isolante qui se sont détachés du réservoir externe, 81 secondes après le décollage le 16 janvier.

 

Lors de la rentrée dans l'atmosphère le 1er février, un trou d'environ 10 cm sur l'aile gauche de la navette aurait laissé pénétrer à l'intérieur des gaz chauffés à 1.650 degrés, provoquant la désintégration du vaisseau au-dessus du Texas et la mort des sept membres d'équipage. L'amiral Gehman a jugé que les responsables du vol avaient commis au moins deux erreurs fatales: celle, d'abord, de lancer la navette, alors que des incidents identiques s'étaient déjà produits lors de décollages précédents; celle, ensuite, de ne pas demander aux militaires de prendre des photos de la navette spatiale, une fois celle-ci sur orbite à 277 km d'altitude.

 

Afin de pouvoir mieux évaluer les dégâts, des ingénieurs avaient réclamé ces photos. Mais les responsables de mission, acceptant les conclusions d'études menées par le sous-traitant Boeing qui concluaient à l'absence de danger, avaient rejeté la demande. Les responsables "n'ont pas pleinement compris ce dont parlaient" les ingénieurs et "ont pris des décisions fondées sur une compréhension erronée de ce qui se passait", a estimé l'amiral Gehman.

 

Selon lui, une mission de sauvetage aurait pu être mise sur pied pour aller récupérer l'équipage qui disposait encore d'au moins sept à dix jours de survie possible dans l'espace. M. O'Keefe a reconnu que les ingénieurs n'avaient pas été suffisamment écoutés. "Cela a été clairement un mauvais jugement. La façon dont le processus s'est déroulé a de quoi rendre furieux", a-t-il dit, en remarquant que, si les échanges de courriels à l'intérieur de l'agence ont démocratisé le dialogue entre les différents échelons de responsabilité, ils ont aussi créé une cacophonie indescriptible.

 

Concernant la sécurité, l'amiral Gehman a brocardé le Bureau de la sûreté (Nasa's Safety Office) créé en réponse à l'explosion de la navette Challenger en 1986, qu'il a qualifié de coquille vide "inutile". "Sur le papier, l'organisation en matière de sûreté (des vols) est parfaite. Mais une fois que l'on creuse, il n'y a rien", a-t-il dit. "Il n'y a personne, pas d'argent, pas de compétences d'ingénieurs, pas d'analyses".

 

La navette spatiale - il en reste trois exemplaires - n'est pas prête de revoler, sans doute pas avant l'année prochaine. Se posera aussi la question de savoir s'il faut étendre leur durée de vie en l'absence d'une solution immédiate de remplacement. Un représentant républicain du Texas, Joe Barton, a suggéré cette semaine d'éliminer purement et simplement le programme des navettes, trop dangereux et trop coûteux selon lui, ou à défaut de le limiter au transport de cargaisons

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