Un nouveau type de sonde
Les deux dernières missions
Russes pour l'année 1971 étaient basées sur un nouveau
concept de sonde. Chaque sonde comportait un compartiment
orbital destiné, comme son nom l'indique, à se placer en
orbite autour de la planète rouge et un compartiment de
descente, destiné à se poser sur la surface martienne. Les
principaux objectifs des compartiments orbitaux étaient d'étudier
la surface martienne d'un point de vue topographie, chimique et
physique, l'atmosphère et ses nuages, le vent solaire, les
champs magnétiques martien et interplanétaire, tout en servant
de satellite relais pour les communications entre la terre et
les atterrisseurs. Les modules de descente devaient atterrir en
douceur sur la planète Mars pour pouvoir renvoyer des images de
la surface, des mesures météorologiques (température,
pression, vitesse des vents, composition de l'atmosphère) et
effectuer des analyses chimiques et mécaniques du sol martien.
La recherche de composés organiques dans le sol, indice de la
présence éventuelle d'une vie martienne,
était également au programme.
Le compartiment orbital
La sonde pesait plus de
quatre tonnes au lancement (4650 kg exactement), dont 3440 kg
pour le compartiment orbital avec les réservoirs pleins et 1210
kg pour l'atterrisseur lui-même. Rappelons ici que la sonde américaine
Mariner 9 pesait moins
d'une tonne au moment de son lancement une dizaine de jours plus
tard. L'atterrisseur soviétique seul pesait quelques centaines
de kilogrammes de plus que Mariner 9 et la sonde Mars 2 dans son
ensemble était quatre fois plus lourde que son homologue américain.
Les soviétiques n'avaient donc pas perdu la folie des grandeurs
pour ce qui était du poids de leurs vaisseaux !
Mars 2 était grossièrement
composé d'un cylindre de 2 mètres de diamètre (le
compartiment orbital) dont la majeure partie était occupée par
un réservoir de carburant. Le système de propulsion était fixé
sur la partie inférieure du cylindre central. Deux panneaux
solaires s'étendaient sur les côtés et la parabole de 2,5 mètres
de diamètre de l'antenne grand gain était également accroché
au cylindre. Elle était accompagnée par des antennes
auxiliaires de faible puissance. Les antennes dédiées à la
communication avec le module de descente étaient situées à
l'extrémité des deux panneaux solaires. Le système de
navigation et la plupart des instruments étaient arrangés sur
le pourtour de la partie inférieure de la sonde. Le module de
descente prenait place au sommet de l'ensemble. La sonde
mesurait en tout 4,1 mètres de haut et sa plus grande envergure
était de 5,9 mètres.
La charge scientifique
embarquée à bord de la sonde Mars 2 comprenait dix expériences
scientifiques . Deux expériences sur les dix concernaient l'étude
du milieu interplanétaire ainsi que l'étude des radiations en
provenance du soleil et du milieu galactique. Ces deux expériences
faisaient intervenir un radiomètre et un spectromètre (RIEP
208). Les huit autres expériences étaient spécifiquement dédiés
à l'étude de la planète Mars et quatre instruments étaient réunis
au sein d'un complexe d'astrophysique baptisé FKM-71.
-
Un radiomètre infrarouge
opérant dans le domaine spectral de 8 à 40 microns pour déterminer
la température de la surface martienne. Cet instrument
faisait partie du complexe FKM-71.
-
Un photomètre infrarouge
pour mesurer l'absorption de la vapeur d'eau atmosphérique
vers 1,38 microns, ce qui permettait de déterminer sa
concentration. Cet instrument faisait partie du complexe
FKM-71.
-
Un photomètre infrarouge
fonctionnant dans la bande spectrale de 2,06 microns ou la
raie d'absorption du dioxyde de carbone peut être étudiée.
Il permettra de quantifier les reliefs martiens. Suivant
l'altitude des régions survolées, l'épaisseur de la
couche d'air entre la surface et l'instrument varie, ce qui
se traduit par une diminution ou une augmentation de la
quantité de CO2 mesurée (le CO2 étant le constituant
majoritaire de l'atmosphère martienne). Cet instrument
faisait partie du complexe FKM-71.
-
Un photomètre opérant
dans six bandes spectrales du domaine visible (0,35 à 0,70
microns). Cet instrument faisait partie du complexe FKM-71.
-
Un photomètre
ultraviolet fonctionnant dans trois bandes spectrales différentes
pour détecter l'hydrogène atomique, l'oxygène et l'argon
dans la haute atmosphère.
-
Un capteur opérant dans
la bande alpha de la série de Lyman pour détecter l'hydrogène
dans la haute atmosphère.
-
Un ensemble radiotélescope/radiomètre
(équipé d'une antenne de 60 centimètres) pour mesurer la
réflectivité de la surface et de l'atmosphère dans le
domaine du visible (0,30 à 0,60 microns), la réflectivité
de la surface dans le domaine radio (3,4 centimètres), et
la constante diélectrique à une profondeur comprise entre
35 et 50 centimètres. La connaissance de la valeur de la
constante diélectrique permet de se faire une idée des
températures du sol et du sous-sol.
-
Un magnétomètre trois
axes monté sur une perche (elle-même fixée à l'extrémité
de l'un des panneaux solaires) pour mesurer la valeur du
champ magnétique interplanétaire et de l'éventuel champ
magnétique martien.
-
Des capteurs de plasma,
au nombre de huit, disséminés un peu partout sur le corps
de la sonde et qui avaient pour objectif de mesurer la température,
la vitesse et la composition du vent solaire. En plus de l'étude
des particules du vent solaire, Mars 2 pouvaient également
étudier celles du rayonnement cosmique.
-
Deux unités de photo-télévision,
appelé aussi blocs de prises de vues, comprenant une caméra
grand angle FTU-1 (52 mm de focale) et une caméra à angle
étroit FTU-2 (350 mm de focale) munies de différents
filtres (vert, rouge, bleu, UV). Les caméras retournaient
des images comportant 1000 lignes de 1000 pixels avec une résolution
variant entre 10 et 100 mètres/pixel. Les images étaient développées
à bord grâce à un laboratoire automatique, scannées puis
transmises à la Terre.
-
Le système de
communication radio permettait enfin de se livrer à des expériences
d'occultation lorsque la sonde passait derrière la planète
Mars, ce qui provoquait alors la traversée par les ondes
radios de l'atmosphère martienne. La variation du signal
enregistrée à ce moment là permettait de déduire de
nombreux paramètres atmosphériques.
Le module de descente
Le module de descente était
fixé au somment du cylindre du corps principal, exactement à
l'opposé du système de propulsion. Il comportait une capsule
sphérique de 1,2 mètres de diamètre surmontée d'un imposant
bouclier thermique de 2,9 mètres de diamètre. Ce bouclier
devait servir à protéger l'atterrisseur de l'échauffement généré
lors de la traversée de l'atmosphère. En offrant une large
surface de résistance à l'air, il permettait également de
freiner l'engin dans sa descente vers la surface. L'atterrisseur
était aussi équipé d'un parachute et de rétrofusées, placées
sous le contrôle d'un radar altimétrique et qui étaient mises
à feu pendant la phase finale de l'atterrissage. Le module de
descente pesait 1210 kg au total, dont 350 kg pour la capsule
proprement dite. Une fois à la surface, cette capsule s'ouvrait
comme la corolle d'une fleur, ses quatre pétales triangulaires
servant à la fois de stabilisateur et de support aux différents
instruments scientifiques. Quatre protubérances en haut de la
sphère servaient aux communications avec les orbiteurs.
L'alimentation électrique était fournie par un ensemble de
batteries rechargées avant la séparation de l'atterrisseur
avec le compartiment orbital. Le module de descente avait été
stérilisé avant le lancement de manière à éviter toute
contamination biologique du site d'atterrissage par des
microorganismes terrestres.
L'atterrisseur était équipé
d'un certain nombre d'instruments scientifiques :
-
Deux caméras de télévision
avec un champ de vision de 360°.
-
Un spectromètre de masse
pour l'étude de la composition chimique de l'atmosphère.
-
Une station météorologique
pour mesurer la température, la pression et la vitesse des
vents.
-
Un dispositif expérimental
pour étudier les propriétés chimiques et mécaniques du
sol martien, incluant une pelle capable de creuser des
tranchées à la surface pour mener après collecte une
recherche de matières organiques et d'éventuels signes de
vie.
-
Un petit fanion aux
couleurs de l'Union Soviétique, qui n'a sans doute rien à
faire dans la liste des instruments scientifiques, mais qui
sera le seul à réussir sa mission dans le cas de Mars 2 !
L'atterrisseur comportait également
un bloc de sondage qui devait être catapulté vers la surface
martienne. Ce dispositif original permettait d'effectuer des
mesures à une certaine distance du site d'atterrissage, le bloc
étant relié à l'atterrisseur par un câble de liaison. Bien
qu'extrêmement simplifié, il est difficile de ne pas voir dans
ce bloc de sondage un précurseur des futurs robots martiens.
La mission
La sonde Mars 2 décolle du
cosmodrome de Baïkonour le 19 mai 1971 et elle est injectée
peu après vers la planète Mars grâce à une plate-forme
orbitale terrestre Tyazheliy Sputnik. Des manœuvres de
correction de trajectoire ont lieu pendant le voyage le 17 juin
et le 20 novembre 1971. 4,5 heures avant d'atteindre la planète
Mars, le 27 novembre 1971, le module de descente se désengage
du compartiment orbital. Ce dernier termine son voyage en s'insérant
correctement en orbite. Malheureusement pour les soviétiques,
les américains étaient déjà sur place grâce à Mariner
9 qui s'était inséré en orbite 13 jours avant, le 14
novembre 1971.
Le module de descente connaîtra
une fin peu glorieuse. Lorsque les américains étaient arrivés
à proximité de Mars avec Mariner 9, il avait eu la mauvaise
surprise de découvrir une planète complètement ennoyé dans
une vaste tempête de poussière
planétaire, dont la naissance avait d'ailleurs été suivie par
quelques astronomes émérites. Contrairement à la sonde américaine
qui pouvait être reprogrammée à distance, les sondes soviétiques
étaient des véritables robots aveugles. Elles allaient suivre
à la lettre un programme chargé à bord un peu avant le
lancement, sans pouvoir tenir compte des conditions extérieures.
Larguer un module de descente en plein dans le cœur d'une tempête
de poussière n'est peut être pas la meilleure chose à faire
pour réussir une mission, mais Mars 2 n'avait pas le choix. Les
soviétiques s'étaient sans doute rendu compte que les
conditions n'étaient pas du tout réunies pour un atterrissage
mais ils ne pouvaient plus qu'assister, impuissant, à la séparation
de l'atterrisseur et à sa descente vers l'enfer de poussière.
Ce qui devait arriver arriva.
Le module de descente aborda l'atmosphère avec une vitesse de 6
km/s. Peu après, il fut victime d'un dysfonctionnement, que
l'on peut attribuer soit à un défaut de conception, soit à
une panne causée par la tempête elle-même. Toujours est-il
que la séquence d'atterrissage n'eu pas lieu comme prévu et le
module se crasha à la surface de la planète à une vitesse
particulièrement élevée. Il en fallait plus cependant pour
que les soviétiques acceptent de perdre la face. Ceux ci annoncèrent
en grande pompe que le module de descente de Mars 2 n'était
qu'un petit fanion aux couleurs de l'Union Soviétique et qu'ils
venaient de réussir le premier atterrissage (même si le terme
de collision est préférable) sur la planète Mars. Le premier
artefact humain s'était écrasé à la surface de la planète
rouge à 44,2° de latitude sud et 313,2° de longitude ouest,
un peu au nord du bassin d'Hellas, et
il était soviétique !
Le compartiment orbital
n'avait pas une manœuvre aussi risquée à accomplir que son
complice, mais la tempête de poussière planétaire n'allait
pas non plus lui laisser le moindre répit. Le compartiment
orbital de Mars 2 commence par se positionner sur une orbite
possédant les paramètres suivants : 1380 km de périapse,
24 900 km d'apoapse, 18 heures
de période et 48,9° d'inclinaison
. Les instruments scientifiques s'allumaient les uns après les
autres 30 minutes avant chaque passage au périapse, seule
portion de l'orbite autorisant une étude rapprochée de la
surface et de l'atmosphère.
Mais le compartiment orbital
va être handicapé par le même problème que le module de
descente. Il obéit lui aussi aveuglement à une programmation
implacable. Ainsi, lorsque ses caméras vont commencer à
mitrailler la surface martienne, les soviétiques verront
arriver les unes après les autres des images pratiquement
identiques, ne montrant qu'une surface grise et terme, et sur
lesquelles aucun détail n'apparaît. Mars 2 n'a que faire de la
qualité déplorable des images qu'elle envoie. Elle continue à
prendre ses clichés jusqu'à épuisement de son magasin.
La sonde
La sonde soviétique Mars 3
était pratiquement identique à la sonde Mars 2, mais elle
transportait une expérience exclusive d'origine française qui
n'était pas à bord de Mars 2. Cette expérience nommée Stéréo
comportait une antenne de mesure fixée sur l'un des panneaux
solaires. Elle devait permettre l'étude du rayonnement solaire
dans le domaine métrique (169 MHz) en même temps que des
observations menées depuis la surface terrestre (en particulier
à Nancay), et cela pour tenter de mieux comprendre les sursauts
d'activité dont le soleil fait preuve par moment, et qui
s'accompagnent de la libération de véritables bouffées de
particules très énergétiques.
La mission
La sonde Mars 3 fut lancé grâce
à un lanceur Proton depuis le cosmodrome de Baïkonour le 28
mai 1971. Son injection sur une orbite de transfert vers Mars eu
lieu grâce à l'utilisation d'une plate-forme orbitale
Tyazheliy Sputnik. Une manœuvre de correction de trajectoire a
lieu le 8 juin 1971. Le module de descente se désengage du
compartiment orbital 4,5 heures avant l'arrivée sur Mars le 2 décembre
1971, à une distance d'environ 50 000 km.
L'atterrissage du module de
descente
15 minutes après la séparation,
le moteur de descente est mis à feu pour pointer le bouclier
thermique vers la surface martienne. Le module aborde les hautes
couches de l'atmosphère martienne avec une vitesse de 5,7 km/s
et un angle inférieur à 10° par rapport à la verticale. Le
bouclier thermique abaissera la vitesse de l'atterrisseur à 0,7
km/s par freinage atmosphérique. Le parachute intervient
ensuite, mais son ouverture s'effectuera en deux temps. Il
s'ouvre d'abord de manière incomplète avant de se déployer
complètement après que la vitesse de la sonde soit tombée en
dessous de la vitesse du son. Le bouclier thermique, devenu
inutilisable, est abandonné tandis que le radar altimétrique
s'allume. A une altitude de quelques dizaines de mètres, alors
que la vitesse de descente est encore de 60 à 110 m/s, le
parachute se détache avant d'être emporté au loin grâce à
l'allumage d'une petite fusée latérale (il serait en effet
dommage que le parachute retombe sur la sonde, une fois celle ci
au sol !). Simultanément, le radar altimétrique commande la
mise à feu des rétrofusées de l'atterrisseur. Après une
phase de rentrée atmosphérique qui n'a duré au total qu'un
peu plus de 3 minutes, l'atterrisseur de Mars 3 atteint enfin la
surface avec une vitesse de 20,7 m/s. Le module de descente se
pose à 45° de latitude sud et 158° de longitude ouest, sur
une basse plaine entre Electris et Phaethontis, au niveau de la
région de Terra
Sirenum.
Largué en pleine tempête de
poussière, l'atterrisseur de Mars 3 a réussi à se poser
impeccablement sur Mars, Pour la première fois dans
l'histoire de l'exploration spatiale, un engin humain effectue
un atterrissage en douceur à la surface d'une autre planète.
L'impact avec la surface est violent, la
vitesse d'arrivée n'étant pas négligeable, mais des
absorbeurs de chocs sont la pour éviter tout dommage. Les
quatre pétales s'ouvrent et les communications avec l'orbiteur
Mars 3 commencent peu après l'atterrissage, le temps pour les
antennes de se déployer.
Malheureusement, la joie des
soviétiques responsables du petit appareil allait être de
courte durée. Environ 20 secondes après l'atterrissage, alors
que les instruments et en particulier la caméra s'étaient déjà
attelés à la tache, les communications radios furent coupées
pour une raison qui demeure inconnue. Elles ne seront plus rétablies.
Impossible de savoir si l'incident incombe à l'atterrisseur
lui-même ou au système de relais radio de l'orbiteur. La
courte session de communication avait servi à transmettre des
données en provenance de la caméra. Mais sur l'image
panoramique incomplète, aucun détail n'était visible. La
photographie était de plus extrêmement peu lumineuse, comme si
elle avait été prise en pleine obscurité. Les données
obtenues sur l'atmosphère pendant la descente vers la surface
seront également perdues. Elles ne pouvaient malheureusement
pas être transmises pendant la descente, mais uniquement après
l'atterrissage.
Si l'atterrisseur avait réussi
à sortir vivant d'une descente qui avait du être éprouvante,
il lui a fallu ensuite affronter les conditions qui régnaient
en surface. Une bourrasque violente a peut être malmené un peu
trop fortement le petit atterrisseur, endommageant de manière
irréversible ses systèmes de bord. La forte teneur en poussière
des couches atmosphériques de surface explique peut être le
faible éclairage de l'unique photographie acquise par Mars 3.
Notons ici que certaines
personnes ont suggéré que les 20 secondes de transmission avec
l'atterrisseur n'avaient en fait jamais eu lieu, et que cette
information avait uniquement servi aux soviétiques à
s'octroyer le titre du premier atterrissage en douceur à la
surface de la planète Mars.
Echec de la mise en orbite
pour le compartiment orbital
Le compartiment orbital
allait avoir beaucoup moins de chance que son prédécesseur.
Pendant le voyage Terre-Mars, une fuite de carburant avait vidé
partiellement ses réservoirs, et il ne lui restait plus assez
de carburant pour s'insérer sur l'orbite initialement prévue.
La sonde put cependant être placée sur une orbite d'une période
de 12,7 jours (contre 18 heures pour Mars 2 !), avec un périapse
à 1530 km et un apoapse à 190 000 km. L'inclinaison était par
contre similaire à celle de l'orbite suivie par Mars 2. Cette
orbite de secours était particulièrement défavorable aux
observations, car la sonde ne passait que très peu de temps au
périapse (seul endroit ou la surface de Mars était assez
proche pour pouvoir être étudiée) et il fallait attendre une
douzaine de jours avant de repasser dans cette partie de
l'orbite !
Résultats scientifiques de
Mars 2 et Mars 3
Les deux sondes Mars 2 et
Mars 3 ont envoyé vers la Terre un total de 60 images. La
majorité est inutilisable. Cet exemple montre l'avantage que
peut apporter une programmation à distance d'un engin spatial.
Adaptabilité et flexibilité sont deux facteurs essentiels dans
la réussite d'une mission. Une leçon que les soviétiques
auront payé très cher.
Mars 2 et Mars 3, en dépit
de la tempête qui gâche tout, ont cependant retourné un large
volume de données scientifiques sur la période qui s'étend du
mois de décembre 1971 au mois de mars 1972. Les communications
ont continué jusqu'au mois d'août 1972 et la mission s'est
officiellement terminé le 22 août 1972 pour les deux sondes,
après 362 orbites pour Mars 2 et 20 orbites seulement pour Mars
3 (à cause de sa période de révolution beaucoup plus
importante). Il faut noter que la qualité des données
transmises par Mars 2 était vraiment médiocre, et à
l'exception des informations accumulées lors des périodes
d'occultation, presque toutes les données étaient illisibles.
Les rares informations
valables transmises par les deux engins soviétiques de 1971
peuvent être résumées en quelques lignes. Mars 2 et Mars 3
mettront en évidence la présence de reliefs élevés à la
surface. La quantité de vapeur d'eau atmosphérique est mesurée.
Pendant la tempête de poussière, cette quantité ne dépasse
pas quelques microns, mais pendant le mois de mars de l'année
suivante, elle monte à 20 microns au-dessus de certaines régions.
L'humidité est plus élevée au niveau de l'équateur qu'au
niveau des régions circumpolaires.
Le radiomètre infrarouge
mettra en évidence des contrastes thermiques très importants
à la surface, et les températures enregistrées varieront
entre -93° C et +13°C, les températures les plus basses étant
enregistrées au-dessus de la calotte polaire nord (-110°C). Le
sol est caractérisé par une conductivité thermique très
faible et les régions sombres sont 10° à 15° plus chaudes
que les régions claires (un résultat qui sera confirmé par Mariner
9). La température de la calotte polaire boréale est plus
basse que celle de la calotte polaire australe, ce qui explique
que cette dernière disparaisse entièrement pendant l'été,
alors que ce n'est pas le cas pour les glaces de la région
polaire nord.
La pression atmosphérique
varie entre 5,5 mbars et 6 mbars. La base de l'ionosphère
commence entre 80 et 110 kilomètres d'altitude et les
particules de poussière des tempêtes peuvent atteindre, d'après
les soviétiques, une hauteur record de 7 km, sans qu'une valeur
limite supérieure puisse être fixée (en fait on sait
maintenant que les grains de poussière peuvent monter bien plus
haut, jusqu'à 50 km). La taille des particules était très
faible (quelques microns) et la quantité de poussière brassée
pendant la grande tempête a été estimée à 109
tonnes.
A 40 km d'altitude, l'atmosphère
martienne n'est plus constituée que d'atomes isolés d'oxygène
et d'hydrogène, la densité étant bien sûr très faible
(quelques centaines d'atomes tout au plus par cm3).
D'autres informations seront
retournées à propos du champ de gravité martien et du champ
magnétique de la planète. Le magnétomètre décèle à
proximité de Mars un champ magnétique 7 à 10 fois plus
puissants que le champ magnétique interplanétaire, sans qu'il
soit possible d'en connaître l'origine. Il pourrait s'agir soit
du véritable champ magnétique de la planète Mars, soit d'un
champ magnétique issu de l'interaction des particules du vent
solaire avec la haute atmosphère martienne. Cette collision
donne également naissance à une onde de choc qui a été détectée
par les sondes soviétiques.
Une seule photographie
montrant le globe martien et obtenue à grande distance par la
sonde Mars 3 a été publié. Je n'ai encore jamais réussi à
mettre la main sur les photographies prises depuis l'orbite
martienne par les sondes Mars 2 et Mars 3.
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La
sonde Mars 2 mesurait 4,1 mètres de haut pour un diamètre de
base de 2 mètres et une envergure de 5,9 mètres, panneaux
solaires déployés. Le système de propulsion est en bas, alors
que le module de descente est en haut, protégé par un imposant
bouclier de 2,9 mètres de diamètre. Une antenne de 2,5 mètres
de diamètre est montée sur l'un des côtés. Les instruments et
le système de navigation sont situés autour de la partie inférieure
de la sonde, alors que la partie centrale est principalement occupée
par un énorme réservoir de carburant. Les antennes pour
communiquer avec le module de descente sont fixées sur les
panneaux solaires, qui s'étendent de chaque côté de la sonde.
Trois antennes omnidirectionnelles de faible puissance sont également
montées près de l'antenne parabolique. Les sondes soviétiques
Mars 2 et Mars 3 n'ont ramené qu'une très faible quantité de résultats
par rapport à la sonde Mariner 9, qui a connu un succès sans précédent.
Entièrement sous le contrôle d'une programmation rigide et non
modifiable, les caméras de deux sondes prendront des
photographies sans intérêt de la planète (alors voilée par une
tempête de poussière aux dimensions planétaires) jusqu'à épuisement
de leur magasin. Mars 2 et Mars 3 ont cependant permis d'obtenir
des informations sur les températures de surface, l'inertie
thermique et la taille des grains qui constituent le sol martien,
la teneur en vapeur d'eau de l'atmosphère, l'altitude de certains
reliefs, les variations d'albédo et les propriétés optiques des
nuages pendant la grande tempête de poussière. Les deux modules
de descente échoueront dans leur mission. Le premier deviendra
muet alors qu'il aborde les hautes couches de l'atmosphère. Le
deuxième aura plus de chance et parviendra à toucher la surface,
mais il se taira à son tour après 20 secondes de fonctionnement,
sans avoir pu transmettre une seule photographie de son site
d'atterrissage (Crédit photo : NASA/JPL).
La
sonde soviétique Mars 3. On distingue au centre la structure
colorée de l'antenne omnidirectionnelle. Une hélice blanche et
orange a été dessinée sur l'antenne, ce qui lui donne cet
aspect un peu fête foraine. Aplatie au moment du lancement,
l'ensemble se détend ensuite comme un chapeau haut de forme. On
note également au sommet de la sonde le module de descente
(visible grâce au retrait du bouclier thermique), les panneaux
solaires et la coupole de l'antenne grand gain vue de dos à
gauche (Crédit photo : Mark Wade).
Chaque
module de descente comportait également un bras relié à une
plate-forme qui supportait un bloc de sondage destiné à être
catapulté au loin (peut être une quinzaine de mètres). Ce
dispositif peut être considéré comme étant le précurseur des
robots mobiles martiens (Crédit photo : Andy Salmon).
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